Manque d'attractivité du droit public ? Pas pour nos consoeurs Julie Giorno et Emmanuelle Debrenne !

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MANQUE D’ATTRACTIVITE DU DROIT PUBLIC ? PAS POUR NOS CONSOEURS JULIE GIORNO ET EMMANUELLE DEBRENNE !

Question : L’examen d’entrée dans les écoles d’avocats correspond pour l’essentiel à un cursus de droit privé, ce qui pourrait expliquer le peu d’appétence de nos jeunes confrères pour le droit public. Alors, hasard ou nécessité, nous diriez‑vous comment vous êtes devenues avocates plus spécialement versées en droit public ?

J.G. : Issue de l’école des Sciences Politiques, j’ai toujours été animée par la philosophie, la philosophie du droit. Passionnée de géopolique, j’ai étudié le russe dès la 4ème jusqu’en Master, j’ai vécu en Russie et en Asie centrale et j’ai pu constater que le droit public était la chose la moins bien partagée de par le monde.

J’ai ensuite travaillé au sein de l’Association France Terre d’Asile. Cette expérience m’a profondément marquée et c’est par suite en tant que juriste en cabinet d’avocat que j’ai décidé d’être avocate, et avocate en droit public.

Le syllogisme qui sous‑tend le raisonnement administratif est rigoureux voire implacable et j’ai plaisir à réfléchir, à chercher, à creuser pour tenter de trouver des solutions innovantes.


E.D. : Je suis capacitaire en droit – diplôme se substituant au baccalauréat et grâce auquel j’ai pu intégrer l’université Panthéon Assas. J’y ai suivi mes études de Droit jusqu’à la maîtrise de droit public sous la direction de Monsieur Hugues Portelli. Dans le même temps, j’étais engagée politiquement et j’ai rejoint l’Université de Nanterre pour y suivre un DESS de Droit de la vie politique (aujourd’hui Master 2). Devenue collaboratrice parlementaire au Sénat, profession que j’ai exercée pendant 16 ans, j’ai soutenu ma thèse et acquis le titre de Docteur en droit public. Je suis devenue avocat, un avocat spontanément tourné vers la chose publique.

Question : On compte en France 76 000 avocats et seulement 7990 titulaires d’un certificat de spécialisation; parmi ces derniers ils ne sont que 5 % à être adoubés spécialistes en droit public. Comment expliquez‑vous cet évident manque d’attractivité du droit public ?

E.D. : Pour ma part, je n’ai pas songé à obtenir le certificat de spécialisation en Droit public.

La spécialisation suppose une connaissance globale de l’ensemble des branches foisonnantes qui le constituent. J’ai préféré circonscrire une partie de ces nombreux domaines dans lesquels j’ai acquis une certaine « spécialité », tels notamment la fonction publique et la responsabilité médicale.


J.G. : Le droit public fait peur à beaucoup d’étudiants. La formation est abstraite et ce n’est réellement qu’en cabinet qu’on comprend le sens d’un recours gracieux, d’une requête, des moyens de droit. A l’EFB comme ailleurs, l’enseignement du droit public manque de concret et l’on est vite perçus comme des ovnis. Les pénalistes aussi, non ?

Question : On connaît sans doute mal les missions d’un avocat en droit public or elles sont nombreuses et diverses. Que pourriez‑vous nous en dire qui soit de nature à éveiller l’intérêt de nos confrères pour la matière ?

J.G. : Je ne connais pas de domaine du droit plus riche et plus divers que le droit public. J’en veux pour preuve quelques‑unes des missions qui m’ont récemment été confiées :

. défendre une société de télésurveillance évincée d’un marché public de surveillance d’un établissement de santé ;

. rédiger des conventions de groupement pour des entreprises répondant ensemble à un marché de maîtrise d’oeuvre pour la construction d’un ensemble de logements sociaux ;

. conseiller un exploitant de pommes de terre pour négocier un avenant au marché de fourniture pour une centrale d’achat qui fournit les cantines d’un établissement public territorial ;

. défendre les intérêts d’un promoteur immobilier qui voit son permis de construire attaqué par ses voisins.

Rien de routinier dans tout cela, convenez‑en.


E.D. : Je ne saurais mieux dire. Le droit public est un droit exigeant mais extrêmement diversifié. Il a cette autre particularité de ne pas être figé. Chaque dossier est unique et peut contribuer à créer la jurisprudence et l’évolution des règles de droit que les magistrats appliquent. C’est en réalité intellectuellement très stimulant.


Question : Entre contentieux et conseil, comment vous situez‑vous ?

J.G. : les deux, mon capitaine ! Je ne choisis pas.

« Anticiper, sécuriser, grandir ensemble », c’est ce que je propose à mes clients. J’interviens en amont des litiges, cela permet de sécuriser la situation du client et de dénouer des difficultés. Le conseil, voilà la clé pour éviter les litiges.

Etant formée à la médiation, j’ai toujours à coeur d’anticiper afin d’éviter des contentieux longs et coûteux aux clients. Mais naturellement, si l’amiable échoue, alors il faudra convaincre le juge.


E.D. : Beaucoup de conseil pour éclairer les clients sur l’incertitude pesant sur l’issue d’une procédure qu’ils estiment juste mais qui sera souvent longue (trop longue) et donc coûteuse.

Mes clients sont pour beaucoup des personnes physiques (fonctionnaires ou patients de l’hôpital public) et je prête souvent l’oreille à leurs doléances, s’agissant de leur manque de reconnaissance, de la douleur d’avoir été mal soignés ou d’avoir perdu un proche à l’hôpital.

Pour ce qui est du contentieux, dans la suite du conseil, il faut saisir les tribunaux administratifs en cherchant toujours la dernière jurisprudence favorable au dossier et ne déposer une requête que si l’on croit que la procédure pourra prospérer.

Comme Julie, je suis médiatrice, ce qui me permet d’envisager souvent le contentieux avec un oeil différent et espérer à chaque fois pouvoir entamer des échanges avec l’Administration et me réjouir lorsque nous parvenons à nous entendre, pour le plus grand plaisir de mes clients (et des magistrats également...).

Question : Il semble les collectivités territoriales du département aient pris l’habitude de faire appel à des avocats parisiens plutôt qu’à des val‑de‑marnais. Pourquoi selon vous et comment y remédier ?

E.D. : Il est vrai que nous pâtissons de l’idée fausse selon laquelle les avocats parisiens sont les meilleurs : si leurs honoraires sont plus importants, c’est qu’ils doivent être plus compétents !

Par ailleurs, notre Barreau compte peu de publicistes. Il nous appartient de prendre l’initiative, avec le soutien de notre Bâtonnier, de rencontrer les élus mais surtout les directeurs généraux et leurs adjoints en charge des services juridiques des collectivités territoriales afin de leur présenter l’ensemble des avocats cristoliens compétents en cette matière.


J.G. : Au‑delà du périphérique, nous n’existons pas, ou si peu. Les collectivités territoriales internalisent de plus en plus le juridique. Elles mettent aussi en concurrence des cabinets ou des groupements d’avocats. Mais nous avons notre part de responsabilité. Combien d’avocats val‑de‑Marnais s’intéressent à ce marché ? Ils ne répondent pas aux sollicitations, souvent par ignorance mais plus souvent par peur de n’être pas retenus. Certes une structure modeste ne peut rivaliser avec un grand cabinet mais il est dans notre département de nombreux opérateurs privés qui répondent aux appels d’offres publics et ont besoin qu’on les aide. Et bien, c’est ce que je fais.


Question : On ne saurait achever cet échange sans évoquer les désormais incontournables « mardis du droit public », ateliers de formation que vous avez mis en place pour le compte du barreau en partenariat avec l’EFB et auxquels vous participez aux côtés des juges administratifs avec un succès non démenti depuis bientôt trois ans. Nos visiteurs sont curieux de savoir s’ils seront reconduits en 2025. Alors… ?

J.G. : il est vrai que ces « Mardis du Droit Public » qu’Emmanuelle et moi avons créés font notre fierté. Nous y consacrons beaucoup d’énergie notamment pour pouvoir bénéficier du concours des magistrats de la juridiction de MELUN qui n’ont guère de disponibilités mais qui acceptent de contribuer à notre formation continue.

C’est une rude tâche mais quelle joie lorsqu’au hasard d’une audience, au détour d’un couloir, un confrère nous interpelle pour nous dire le bien qu’il tire de ces « Mardis ».

Alors, reconduits en 2025 ? Bien sûr !

E.D. : Nous sous somme interrogées sur la pérennité de nos « Mardis du Droit public ». En effet, les magistrats, tant ceux de notre tribunal administratif de Melun que ceux de la Cour d’Appel de Paris, sont de moins en moins disponibles et je dois reconnaître que le rythme que nous avions adopté était fort soutenu. Le temps passé à préparer des formations de qualité est très important et nécessite beaucoup d’investissement. Nous n’avons cependant pas pu nous résoudre à abandonner notre initiative pédagogique, et préparons actuellement 2 sessions de formation à venir tout prochainement : la première aura lieu au mois de décembre 2024 et la suivante au mois de mai ou juin 2025. Nous espérons qu’elles rencontreront chacune autant de succès que les précédentes.


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